"Peu responsable de vendre du rêve quand les citoyens attendent du concret!"
17/12/2012 15:00
A lire également, notre première analyse critique compétence par compétence de la DPC adressée à la majorité CDH-MR-Ecolo.
Intervention conseil communal – DPC – 17 décembre 2012-12-17
RESUME :
« Il faut oser, oui, mais sans confondre vitesse et précipitation, effet d’annonce et gestion responsable », E.Tillieux
C’est un projet qui n’est ni responsable, ni efficace, ni moderne. Le projet de DPC nous paraît « à côté de la plaque », parce que
- soit flou et général, il est marqué par une frénésie du changement pour le changement, non fondé sur une analyse approfondie des conséquences des projets (cf le déplacement du marché, emblématique à cet égard), ni sur une vision claire et précise des moyens disponibles (appel quasi exclusif au privé…),
- soit quand il est précis, il se place à l’écart des grandes priorités de la population (il évoque en long et en large la culture et le tourisme, reléguant à l’arrière-plan les préoccupations fondamentales du plus grand nombre, comme l’emploi, le logement et la qualité de vie).
Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les Echevins,
Mesdames et Messieurs les Conseillers communaux,
Mesdames, Messieurs,
J’aurais pu m’aligner sur la procédure suivie pour l’exposé de la DPC et deviser longuement sur chaque chapitre, ce qu’il permet et ce qu’il oublie, dans le désordre de ce qu’elle expose ou l’ordre qui devra un moment la structurer, cela nous aurait pris deux heures.
J’ai préféré être brève et précise. Toutefois, fidèle à notre position affirmée d’opposition à la fois vigilante et constructive, nous avons rédigé un document approfondi que nous mettons à la disposition du Collège, des conseillers, de la presse et des citoyens, afin d’exposer en détail notre point de vue.
Le message essentiel du Groupe socialiste se résume en deux fois trois points :
- 3 points de critiques ou à tout le moins de questions : c’est la partie « vigilance »
- 3 trois points d’attention ou prioritaires pour nous, au nom de la population, c’est la partie « propositions ».,
- La critique
.
Première grande critique, c’est que nous avons affaire à un véritable catalogue de La Redoute , un produit de marketing urbain, qui me fait dire que jeter un tel écran de fumée, ce n’est guère responsable
On attend d’une DPC qu’elle serve, dans l’esprit du Code de la démocratie locale, de guide à la législature, qu’elle indique les priorités du Collège pour six ans, et comme tout document qui engage un exécutif, qu’elle montre par quels moyens des mesures prioritaires pourront être réalisées.
Votre document, au contraire de certaines autres DPC que j’ai pu consulter, ne fait rien de cela. Je vous invite à lire, par exemple, celui d’une petite ville voisine, Andenne. La DPC d’Andenne est un exemple de projets concrets, précis, limités, clairs, budgétés quand ils doivent l’être, ce qui n’empêche ni une stratégie ni une vision du futur de s’y déployer.,
Pour Namur, que trouve-t-on ? Un énorme catalogue d’intentions reposant, pour l’essentiel, sur une énorme capacité d’investir du privé. Là, ce n’est plus la redoute que je redoute, mais j’ai un vrai doute : dans quelle mesure êtes-vous sûrs que le privé va répondre à votre appel, pour financer une myriade de projets que vous dites structurants, ainsi que tous les autres ?
Une rapide estimation cumulative mais certainement pas exhaustive (que vous n’avez pas faite, soit dit en passant) situe les besoins d’investissements pour réaliser votre programme autour d’1 milliard d’euros !- à 100 ou 200 millions près… ! Dans le même temps, vous pensez pouvoir dégager 80 millions à peine pour la Ville ! Ce n’est guère responsable ! C’est vraiment trop peu responsable que de vendre du rêve quand le citoyen attend du concret !
1.1. La Gouvernance : va-t-on vers un régime autoritaire ?Quid de la participation réelle de tous? Gérer seul, ce n’est ni moderne ni efficace.
Là où la DPC de 2006 prônait la participation et la concertation – on ne l’a guère vue à l’œuvre, certes, que ce soit pour le schéma de structure ou le projet de la gare- ici, pas un mot sur la démocratie participative, sur le rôle du citoyen, sur les interpellations citoyennes au conseil, sur la transparence, sur la consultation de la population.
Et je suis inquiète de voir la manière dont le Collège a géré son premier dossier, celui du déplacement du marché du samedi au dimanche. Mon ami Antoine Piret va intervenir juste après, et en détail, sur ce point. Mais je veux tout de même relever le triste spectacle amateur qui fait se succéder de mâles affirmations dans le chef du Bourgmestre comme de l’Echevin (d’un militaire « c’est tranché, c’est décidé » , ou d’une fanfaronnade « ils ne m’auront pas, je le maintiendrai », vous avez le choix), puis l’aveu d’en avoir sous-estimé les conséquences, et enfin, après avoir opéré le virage à 180° pour revenir au port, l’essai raté de vous en sortir par le haut en vous présentant comme de ceux qui écoutent. Mais pour avancer, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs du collège, il ne suffira pas de crier une destination pour ensuite faire demi-tour la seconde d’après !
Je rejoins donc les propositions de personnalités ou d’entités fortes, qu’on ne peut guère soupçonner de défense des positions socialistes. Ce n’est pas moi, mais Pierre Dulieu, bien connu pour son expertise en aménagement du territoire namurois, qui demande qu’on rouvre le dossier du PRU de la gare, parce que la manière dont il est engagé aujourd’hui ne rencontre pas les attentes de la population et des commerçants.
Ce n’est pas le Groupe socialiste, mais vos amis du MOC qui, dans leur memorandum pour Namur, plaident pour un renforcement de la démocratie participative, avec par exemple un comité consultatif des aînés jouant un rôle accru, une CCAT reconnue, un conseil des jeunes remis en place. Rien de tout cela, que du contraire : ce n’est même plus un élu qui présidera la CCAT. Est-ce pour éviter l’embarras vécu précédemment de voir l’un des siens désavoué ou pour pouvoir bafouer plus aisément la concertation?
1.2. Deuxième volet critique : l’erreur sur les priorités et l’absence de capitalisation sur les acquis .
L’ambition réformatrice du Collège, que nous applaudissons, et la vision d’un futur rayonnant pour Namur, nous paraissent, là aussi, disproportionnées.
De nombreux acteurs, qu’il s’agisse de l’UCM, des syndicats, de l’Institut pour le Développement durable, les habitants eux-mêmes, ont énoncé comme priorités pour Namur le logement, la sécurité, la propreté, l’emploi et l’environnement. J’y reviendrai dans la deuxième partie de mon exposé.
Or, ici, vous faites la part belle à la culture et à l’ambition pour Namur. Fort bien, encore faut-il d’une part que les besoins primaires soient d’abord rencontrés (un toit, un emploi, disiez-vous), et qu’en matière culturelle que les promesses se réalisent, ce qui n’est pas encore le cas de ce qui a été projeté voilà six ans !
Pire, en termes de délais, cette absence d’engagement sur les priorités s’accompagne d’un aveu étonnant : dans le budget pour les projets structurants, vous indiquez que le million d’euros que vous y réservez chaque année ne sera pas nécessaire en 2013 parce que, je vous cite, « les dossiers ne sont pas mûrs administrativement. » Mais qu’avez-vous fait pendant six ans ?? OU même neuf mois ?
Doit-on s’attendre à de pareils délais pour tout ? Le citoyen veut des résultats rapides, pas un futur radieux pour le XXIIème siècle !
Du côté des acquis actuels de Namur, vous l’avez vu dans le dossier du marché, tout ne fonctionne pas si mal à Namur, Mesdames et Messieurs de la majorité. Permettez-moi par exemple de m’étonner, alors que vous abordez la politique de marque, ne pas voir cités une seule fois dans la DPC- je n’ose imaginer que ce serait pour d’obscures raisons politiciennes – des fleurons namurois comme le FIIF, Namur en mai, Media 10-10 ou le festival Namur-Nature ? Nous pensons au contraire qu’il faut nous appuyer sur nos points forts, consolider les réussites et capitaliser sur les acquis avant de vouloir écrire de nouvelles pages !
Car j’en viens au plus important pour nous, c’est-à-dire nos priorités, que j’ai la faiblesse de penser en accord avec celle des citoyens namurois, d’abord parce que l’enquête effectuée par le PS en 2011, les a révélées très clairement, mais aussi parce que là encore elles rejoignent celles énoncées par d’autres, qu’il s’agisse de Benjamin Moriamé dans son panorama de l’état social de la Ville de Namur, des syndicats, ou encore de l’UCM.
Pour nous, il y en a trois, et nous aurions aimé qu’elles structurent et traversent votre DPC de manière beaucoup plus structurante et claire :
L’emploi, le logement, l’environnement ou la qualité de vie.
Si les namurois attendent quelque chose de leurs élus, c’est bien sur ces trois terrains-là que le défi est le plus important.
- 1. L’emploi
D’abord, nous plaidons pour que la commune montre l’exemple, en procurant des emplois stables et de qualité. Or, outre le non remplacement de départ et la non-rencontre de la convention sectorielle et du 1% - franchement, M.Prévot, 1% !! - vous voulez introduire les mandats. Je vous invite à la prudence, et à bien en mesurer les conséquences pour la Ville. Une série de questions se poseront (pensions, prime, quelle place après non reconduction, etc ; attention à ne pas créer un cimetière des éléphants coûteux pour les finances de la Ville). Là aussi, ne décidez pas trop vite et de manière superficielle.
Sur l’emploi privé, je ne vois pas émerger de politique volontariste. Or la Ville a un rôle important à jouer : éviter les délocalisations d’une marque symbole comme ou Alcatel, libérer la construction des contraintes et délais de l’urbanisme, encourager la filière verte et celle de la Santé, pour générer de nouveaux emplois, permettre aux entreprises et aux commerces de prospérer.
Nous demandons à la majorité de réétudier l’ensemble des implantations commerciales prévues, et soutenons la mise en œuvre d’un parc technologique de la Santé à Bouge.
Je m’étonne également de ne rien voir sur la réforme de l’Etat et l’accueil des bureaux et des logements pour les fonctionnaires, et de l’emploi qui pourrait être généré : allez-vous saisir cette opportunité ou les encourager à aller s’installer à Andenne ou à Eghezée pour rejoindre le rang des navetteurs automobiles qui paralysent la ville le matin ?
Ceci me permet de faire, d’ailleurs, la transition vers notre deuxième priorité :
- 2. le logement.
Là non plus, pas de DPC offensive. Pas de programme fort de logements publics, et resserrement des logements privés. Car, là où la ville d’Andenne, encore elle, prévoit 80 nouveaux logements sociaux dans les deux ans à venir, vous en programmez une trentaine !
Vous ne parlez même pas de l’ancrage communal dans la DPC, instrument de sollicitation de la Région pour déposer des projets de logements publics. Et comment résolvez-vous la contradiction entre les 600 nouveaux logements par an que vous voulez pour Namur, soit 1200 pour deux ans, la trentaine de logements publics, et le pourcentage de 10% de logements publics que vous déclarez vouloir maintenir ? Jusqu’à preuve du contraire, si je compte bien, 10% de 1200, c’est 120 et pas 30 !!!
Le Groupe socialiste souhaite donc une politique foncière, immobilière et sociale qui permette à Namur de conserver ses habitants, voire d’en gagner !
Dernière priorité ;
- l’environnement, la qualité de vie, le travail sur le coût de l’énergie, sur les espaces verts. A nouveau peu créative et peu novatrice, la DPC 2012 est en retrait, alors que le défi climatique et l’Agenda 21 vont imposer aux communes d’agir en exemple en la matière.
De même, la véritable audace ne conduirait-elle pas à soutenir des projets novateurs en développant les métiers verts, la formation et la compétence, ou le numérique. Je me réjouis de voir se lever votre résistance sur le wi-fi, que la Maison des citoyens a longtemps attendu de la précédente majorité ; iriez-vous jusqu’à, l’an prochain, accorder la gratuité du Palais des Congrès sur le quota ville pour le KIKK festival ? Cela me semblerait un beau signal de votre engagement pour Namur numérique. A ce sujet d’ailleurs, nous reviendrons au Conseil avec un projet d’ensemble pour une Ville de Namur réellement 2.0. J’ose espérer que vous l’accueillerez avec enthousiasme, en ce qu’il rejoindra précisément cette priorité.
En termes de priorités, outre ces trois grands domaines, je regrette aussi, je dois vous le dire :
- l’absence d’une politique ambitieuse pour les aînés, qui représentent plus de 20% de la population, et notamment d’actions en faveur du maintien à domicile ;
- l’absence d’une véritable politique des personnes handicapées (on trouve une seule phrase dans la DPC, qui parle d’ « intentions de transversalité »
- l’absence d’une politique forte sur la propreté et la sécurité
- très peu de choses sur l’égalité des choses et sur la solidarité (seriez-vous preneur d’une manifestation de grande ampleur dans ce domaine ?)
- votre vision ubuesque des 200.000 heures regagnées selon vous pour le tourisme, alors que, s’agissant de l’allongement de la durée de vie, elles concernent surtout les personnes âgées ; j’ai vu, dans un flash, vous me pardonnerez, des cars entiers d’aînés se déployer dans la nouveau Carré de Namur ou grimper en escalator la Citadelle, à moins qu’ils se consacrent à une visite de l’usine Bister désormais délocalisée à Ciney ?
Bref, pour redevenir sérieuse, cette DPC ne passe pas l’épreuve : pas de chiffrage des projets, pas de vrais engagements sur des priorités, pas de calendrier, pas de réponse aux vrais défis, et une pincée de poudre aux yeux pour maquiller ces absences.
Nous vous attendrons donc au budget 2013, la vréitable épreuve de vérité, et à la déclaration qui l’accompagne.
Tenez, à ce sujet, et s’agissant de fiscalité, devons-nous interpréter le silence de la DPC de manière rassurante ou inquiétante ? A un moment où le pouvoir d’achat devient la première préoccupation de tous, pouvez-vous être rassurant sur le maintien des additionnels PRI et IPP à leur niveau actuel et ce, pendant toute la législature ?
Nous vous attendrons aussi sur chaque projet concret, pour apporter notre pierre à l’édifice et vérifier que les 3 conditions de bonne gouvernance seront remplies, c’est-à- dire que :
- Vous entendez réellement la population ;
- Vous examinez en profondeur les conséquences d’un projet, notamment en termes financiers et en termes d’emploi ;
- Vous prévoyez les moyens nécessaires.
C’est que, vous comprendrez notre inquiétude, la DPC que vous nous présentez n’offre aucune garantie à cet égard.
Ne ressemble-t-elle pas à un assemblage de bric et de broc habillé en brochure publicitaire par un habile armateur, plutôt que la feuille de route, modeste mais crédible, d’un vrai navigateur ?
Pour le Groupe socialiste, le fil conducteur doit rester le bien-être et la qualité de vie de la population actuelle et à venir de notre Ville et de nos villages, et nous ne voyons pas transparaître cette nécessité et cette urgence dans un catalogue hétéroclite et décevant.
Mais, M. le Bourgmestre, pour ne pas rester sur une note aussi amère, il vous appartient de pouvoir atténuer cette déception, déjà un peu, dès aujourd’hui, dès maintenant…
En effet, pourriez-vous, en ajoutant un amendement à cette DPC, traduire la promesse que m’avez faite un jour, celle de faire en sorte que Namur, à l’instar d’autres grandes capitales,… s’engage à signer enfin la Charte de la Diversité ?!
C’est avec plaisir que je vous en remercierais…
En tout cas, merci de votre attention !
Eliane TILLIEUX